La culture de notre pays, qui un temps rayonnait au point d’imposer le français comme la langue diplomatique, est menacée par des influences à vocation hégémonique.
« Comment reconquérir notre indépendance et notre puissance culturelle ? »
«C’est blesser un peuple au plus profond de lui-même, que de l’atteindre dans sa culture et sa langue.» Cette blessure à laquelle François Mitterand faisait allusion, ne serait-elle pas à la source du Mal-être français, qui nourrit le malaise de notre société depuis le début de ce siècle ?
Ce mal-être, beaucoup pensent en trouver l’explication dans les crises sanitaires, militaires, inflationnistes ou climatiques qui affectent les Français dans leur quotidien. Ces crises sont certes réelles, mais elles affectent aujourd’hui la plupart des peuples du monde.
Il a, selon moi, une autre source, plus profonde ; la dépossession culturelle dont les Français se sentent aujourd’hui les victimes.
Si difficile à définir et pourtant si forte à ressentir, notre culture est notre bien le plus précieux. Elle est avec la nation elle-même, pour reprendre le mot de Jaurès, le bien de ceux qui n’ont rien. C’est la culture qui fonde notre identité collective et qui nous permet d’affirmer cette différence irréductible à toute globalisation des signes et du sens.
La puissance des grandes nations se mesure, aujourd’hui plus que jamais, à leur rayonnement culturel. Or la culture de notre pays, qui un temps rayonnait au point d’imposer le français comme la langue diplomatique par excellence, est aujourd’hui menacée par des influences à vocation hégémonique. Avec des puissances comme la Chine, la Russie ou certains pays du Golfe, nous ne sommes plus engagés dans un dialogue des cultures, mais dans une véritable lutte d’influence dans laquelle la France doit retrouver son indépendance.
Notre indépendance culturelle, nous devons aussi la retrouver vis-à-vis des États-Unis. Ceux-ci comptent parmi nos plus proches alliés ; ils le demeureront. La France vit cependant, depuis trop longtemps, sous perfusion culturelle américaine. Si le cinéma américain est arrivé en France dans les bagages du plan Marshall pour notre plus grand bonheur, Netflix, ne peut pas araser, à lui seul, notre imaginaire.
Nous nous laissons imposer des combats idéologiques qui ne sont pas les nôtres.
L’utopie multiculturaliste, prônée par les mouvements woke forgés outre-Atlantique pour contrer une culture ségrégationniste qui n’a jamais été la nôtre, s’invite de manière surréaliste dans nos débats de société et jusqu’à l’Assemblée nationale.
De cette perfusion culturelle, il est temps de sortir. Pour reprendre les propos de Jacques Chirac, «la culture n’est pas une marchandise. Les peuples veulent échanger leurs biens, mais ils veulent garder leur âme». Le défi est immense, mais la France dispose de tous les moyens pour le relever.
Chacun d’entre nous peut y contribuer à son échelle, et chaque minuscule effort compte. Hello, Yes, Relax, Call, Brainstorm : nous raffolons tous des anglicismes.
Pour chaque anglicisme utilisé, c’est une expression française de perdue.
Le défi commence là : cultivons notre langue française, que le monde entier nous envie !
Les entreprises ont un rôle majeur à jouer car ce combat culturel se joue en leur sein, tel que le décrit parfaitement Anne de Guigné dans Le capitalisme woke . Chaque chef d’entreprise en France a (encore) le choix : se résigne-t-il à accepter de voir mûrir, dans ses murs, les préceptes multiculturels discriminatoires de la culture woke ? Ou préfère-t-il continuer de promouvoir un modèle d’excellence et d’égalité à la française, en adéquation avec notre culture et nos coutumes ?
Notre défi culturel constitue cependant, avant tout chose, une affaire de volonté politique. En la matière, un acte concret vaut mieux qu’un long discours, et les combats sont légion.
Le combat est national. Ainsi, contrairement à celui des États-Unis, notre système éducatif est fondé sur l’instruction de nos enfants. Les débats politiques et sociétaux n’ont donc pas leur place dans l’école de la République.
De même, l’écriture inclusive constitue un détournement politique de notre langue, que l’on ne peut accepter. Son usage doit être combattu, notamment par son interdiction de tout document ou courrier administratif sous peine de nullité juridique. Notre avenir commun se joue davantage dans la lutte contre ce vandalisme linguistique que dans l’interdiction des piscines !
Le combat est également européen. Le français constitue l’une des trois langues de travail officielles de l’Union européenne. Nous devons lutter sans relâche pour qu’il retrouve toute sa place dans les institutions et les documents officiels de l’Union européenne, au même titre que l’Anglais.
Reste enfin les principaux cavaliers de l’intrusion culturelle, les géants du numérique – ou GAFAM. Nous avons gagné une première bataille décisive : ceux-ci paient désormais des impôts en France. Nous devons remporter la deuxième, en assurant la protection complète de nos données et en les hébergeant, à terme, sur notre continent. Ce doit être notre volonté politique.
La période de troubles que nous traversons, rebat les cartes des équilibres du monde. Saisissons cette chance, pour protéger notre cohésion nationale, faire rayonner notre langue et entendre notre voix ! Investissons chaque champ d’action – politique, économique, social, éducatif ou diplomatique – pour reconquérir notre indépendance et notre puissance culturelle. De son expérience, c’est l’enseignement que nous partage André Malraux : «La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert».
Retrouvez ma tribune dans Le Figaro.